DOCERE

Cristina Campo

« Les fatigues de peuples tombés dans un oubli profond.
Je ne suis les empêcher d'alourdir mes paupières,
Ni tenir écarté de mon âme épouvantée
L'écroulement silencieux des étoiles lointaines.
Nombreux sont les destins qui se tissent près du mien :
L'existance les fait vibrer tous à la fois,
Et mon lot ne se réduit point à cette vie-ci,
Mince flamme ou frêle lyre. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 24

« Dieu ne concède rien qui ne soit pas déjà dans l'homme, « más allá de los ruegos » il n'y a que cela, l'ultime divinité de l'essence humaine. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 32

« Si tu cherches l'ami éternel,
ô cœur, sois prompt à t'oublier.
Tel papillon à la lumière
va, le corps et l'âme offerts.
Sois un enfant sans pain
à la porte de l'étranger,
au fou, sois bouche fraternelle
et ne lui parle que d'amour.
Ainsi te salue le Seigneur
au-delà de la foi, au-delà de l'erreur
et lui-même, de la coupe éternelle,
te boira, tel le vin éternel. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 40

« Délaisse le monde et tu en seras maître,
sors de toi-même, tu seras compagnon de Dieu.
Donne-toi, ô flêche, à l'arc du Seigneur,
qu'il te décoche aussitôt à ton signe.
Mûris, ô grain, et deviens champ d'épis,
puis laisse-toi moissonner au jour de la faucille;
sois dans le four ardent pain pour le monde,
heureux délaisse la terre et tu seras étoile. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 40

« Je suis l'Est; lève-toi de mon sein, Soleil,
de ma ténèbre surgis, clarté.
Je suis nuit, sois ma couronne d'étoiles,
je tremble face à moi-même. Ô vérité, resplendis.

Le compagnon de Dieu s'enivre sans boisson,
il s'étonne de tout sur la route éternelle.
Pour lui sous les décombres, le trésor étincelle,
il est, sans foi, entre tous le fidèle.
Le compangnon de Dieu n'apprend pas dans les livres,
le Très Haut lui parlait dans son sommeil d'enfant.
Jamais tel compagnon n'est connu de son temps;
cherche-le, ô ami, tu le rencontreras. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 41

« Tournoyant autour du centre éternel,
qui est Dieu,
en tumulte autour du calme centre
qui est en Dieu,
baisse la garde et tourne
autour de Dieu,
au-delà du soleil et les aurores,
jusqu'à Dieu.
Qui a connu le pouvoir de la danse
vivra en Dieu,
car il sait que l'amour tue
ainsi que Dieu. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 43

« Encore une fois l'horreur m'a jetée aux portes de cette abbaye, qui est désormais pour moi la seule maison paternelle. Non seulement parce qu'y habite le père spirituel que Dieu pris de pitié a voulu me donner au moment de me retirer le père terrestre - mais parce que l'acte de m'incliner profondément tous les jours, devant cet endroit, aux pieds de l'autel, où ma Mère et mon Père se reposèrent pour la dernière fois, enveloppés dans un anneau de bénédictions, est aujourd'hui pour moi le seul lien certain entre passé et présent, entre mort et vie, entre ma lignée et le monde : le seul acte qui ne me semble pas désolé de sens et de fin. En ce moment, l'abbaye est quasiement déserte : il n'y a pas de Musique ni de liturgie; seuls quelques rares convers et un prêtre demeurent. Mais la Messe du matin, avec son sépulcral silence, les complies au coucher du soleil, le son de la cloche qui ordonne la journée, accompagne doucement la nuit - cette existence, enfin, quasiement d'oblats en retraite - est aussi huile suave sur l'âme et sur le corps. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 46

« Pourquoi célèbre-t-on encore la fête dogmatique de l'Unique Immaculée, alors qu'implicitement on nie, de mille façons, la maculature de tous les autres? Dans un monde où n'est plus reconnu, je ne dis pas le sacrilège, l'hérésie, le blasphème, la prédestination au mal - mais le pur et simple concept de péché? Père Mayer m'a dit un jour de lui écrire toutes les choses qui me contrariaient dans l'évolution du Concile; et moi je lui ai répondu : mais il n'y en a que deux, toujours les mêmes : la négation de la Communion des Saints (puissance de la prière, rôle souverain de la contemplation, réversibilité et transfert des fautes et des peines) et le refus de la Croix (l'homme « ne doit plus souffrir », rester ne serait-ce qu'une heure cloué à la croix de sa propre conscience ou à la porte close d'un irrévocable non licet. Ne parlons pas d'application de la parole du Maître : reniez le père et la mère (i.e tout ce qui vous a été enseigné avant ma venue dans votre âme); passé, présent, patrie, parti - tout désormais est conciliable avec la Croix (ou avec ce qu'eux pensent qu'elle est) pourvu qu'il n'y ait jamais de problème eschatologique. À mort le moine contemplatif qui vit déjà pour moitié dans l'Urbs Jersualem Beata : c'est terrestre qu'elle doit être, cette Jérusalem, et peu importe si elle ressemblera étrangement à la Tour de Babel élevée dans le centre de Sodome ou de Gomorrhe...). »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 51

« Tu m'as dit : « la peur est le démon même » et cela m'a sauvée, dans un moment d'horreur. Laisse-moi te le dire à mon tour au moment de l'angoisse - n'aie pas peur, chère amie - et laisse-moi t'aider en silence, pas à pas. »

— Cristina Campo, Si tu étais là, éd. R&N, p. 63